[Pardon pour l’attente. D8 *court s’enterrer*]
Je ne connais rien
De toi, de nos chemins
Je te parle comme ça
Par peur d'être sourde
Muette, quand mon tour viendra …
-Pute.Le mot a claqué dans l’air, aussi lourd qu’une exclamation. Les deux syllabes ont stagné entre les pas qui les separent, ont ricoché entre ses oreilles, dans sa tête, brulé sa langue, arraché sa fierté.
Pute.
Silence, tandis qu’elle se retourne, l’insulte encore brulante au milieu de l’air hostile, aussi cruelle que la lueur moqueuse dans son regard tandis que ses yeux croisent ceux de Rose.
Tout plutôt que d’avouer l’acide qui me submerge, me ronge les entrailles.
Deux syllabes et les yeux qui se brillent, la bouche recouverte d’un rouge grossier, volontairement aguicheur, comme une provocation de plus qui se tord en un léger rictus, moi je t’aime comme ca Rose, dans ta colère rougeoyante, moi je t’aime comme ca, brulante, consumée dans les affres de ta jalousie, moi c’est ton nom que je murmure dans des bras étrangers, c’est ta chair que je dévore de baisers lorsque d’autres étreintes m’emprisonnent. Moi je t’aime comme ça, moi je te veux blessée, femme reniée, possessive, moi je veux que tu me saisisses comme je fais mine d’accourir vers eux, moi je ne veux que toi, moi je ne veux que toi, et tes yeux qui brulent.
Ce mot là me fait mal, pourtant.
-Et c’est toi qui te permets de me dire ça ?Trop tard, les paroles sarcastiques ont claqué dans l’air, retour à l’envoyeur, moi je t’aime comme ça, moi je t’aime comme ça, lorsque mon ombre danse dans tes regards furieux quand mes lèvres viennent papillonner au bord d’autres au coin des rues, là où tu sauras me surprendre. Gamine égoïste et puérile qu’elle est, tandis que sa douce se fige. Trop tard. Elle a touché juste. Trop tard tandis que la main de Rose claque contre sa joue, silencieuse, violente, aussi forte que mille mots. Trop tard, tandis que ses yeux s’écarquillent, que la douleur la submerge, trop tard tandis que se retournant, elle traverse les derniers mètres la séparant de la porte, trop tard tandis qu’elle s’enfuit, sans même prendre la peine de saisir son manteau, trop tard tandis que ses jambes nues, à peine revêtues par sa robe légère dévalent les escaliers menant à l’appartement, trop tard tandis qu’au dehors, elle se jette à l’aveuglette à travers la fraicheur de la nuit. Au moins la pénombre épongera t’elle ses larmes.
Larmes silencieuses de rage et de dépit qui coulent, larmes d’enfant au caprice non exaucé, larmes de jeune fille attendant un amant menteur dont le vent emporte les dernières traces, larmes de femme reniée, bafouée. Fautive.
Apprendras-tu donc un jour, pauvre gamine, triste tapin, les mots qui brisent et les caprices qui vont trop loin ?
Comprendras tu un jour, tandis que tes pas indécis parcourent les rues, les trottoirs te séparant de lui, oh tu sais où aller, tandis que tu essuie d’une main hâtive le mascara qui a coulé, et effacés les mots qui défigurent ton visage de porcelaine, arrache ses couleurs à ta sensualité, pas qui s’accélèrent, tandis que quelques voix masculines t’interpellent, sans doute n’a tu jamais semblé autant être l’une d’elles, gamine qui n’a d’une fille de rue que les couleurs racoleuses, les jambes dénudées … Et le mot de son aimée qui résonne encore, tout au fond de sa tete.
Doigts qui se tendent et appuient sur la sonnette, son strident qui retentit, le dé en est jeté, une porte qui s’entrouvre, un sourire dont elle se pare, comme pour effacer le désespoir qui suinte à outrance, sourire de petite fille, sourire arraché, elle sait la fausseté de sa douceur, en réclame pourtant encore, elle s’accroche, l’enfant charmée, et sourire tandis que la tete blonde bien trop connue lui ouvre la porte, sourire du haut de sa tendre débauche, tant que reste la chaleur, tant que restent les regards.
Regarde moi, Amadeo.- Ma Camélia !! Je suis tellement heureux de te voir là ! Et de voir que tu penses à moi comme ça...t'es vraiment un ange !Et elle aime cela, la tendre courtisane, la petite pute, et les bras qui l’enlacent,
si seulement ils pouvaient m’enlever, mais tout n’est que caprice, tout n’est que supplice, ce n’est plus une princesse qu’il soulève là, ce n’est plus un ange que ses bras façonnent. Juste une catin. Son cœur arraché, sa chair vendue pour quelques mots qui bercent.
-Tout le plaisir est pour moi. murmure t’elle d’une voix taquine, tandis que sans attendre d’invitation, elle se glisse dans l’intimité de son appartement.
Un pas, puis deux, les talons qui claquent légèrement contre le sol, regard qui détaille les lieux.
-Je ne dérange pas, j’espère ?Mots doucereux, comme pour masquer le tremblement de sa voix, et mon cœur qui se fait la malle, et mon cœur qui s’emballe.
Et mon cœur qui s’emballe.
-De toute manière, je sais que … Pause. Un pas, puis deux, tandis qu’elle se retourne, se rapproche du blond, se hisse sur la pointe des pieds comme pour se rapprocher de son visage, les yeux plantés dans les siens.
-Quelles que soient les circonstances, tu abandonnerais tout pour moi. Activités ou conquêtes. Voix moqueuse, regard qui s’attarde.
-N’est ce pas ?Oh les mensonges qui glissent entre mes mots.
Oh, mens moi donc, dévore moi de ta tendresse.
Tout plutôt que d’entrevoir les peurs qui dansent dans mon regard.
J'aimerais tant te promettre la lune
Mais la lune est déjà prise
Livrer pour toi les clés de la fortune
Dans un monde un peu paisible …
(Debout sur le Zinc)