Ceci n'est pas une histoire banale. Ceci est tout sauf une histoire banale car elle relate des faites à la fois éloignés dans le passé et se mélangeant. Nul ne les a déjà entendu alors, faites attention. Attention car vous pourriez perdre votre vie, à lire ce qui sera écrit ensuite. Attention car ce garçon n'est pas fréquentable.

Il est une heure du matin à Londres. Une jeune femme blonde mouille son corps dans l'eau avant de se détacher les cheveux. Elle est belle, plus que belle. Seules quelques personnes insensées ou qui mériteraient une certaine correction ophtalmologique l'auraient décrite comme laide. Elle s'appelle Frigg. Ce nom évoque une déesse nordique et reflète parfaitement ses origines. En effet, la dénommée Frigg vient de Suède, où elle a passé la majeure partie de son enfance ; maintenant, pour ses études, elle a choisi cette ville qu'elle admirait depuis toujours à travers les guides touristiques : Londres. Elle vient d'une famille plutôt noble de ce pays et, à vrai dire, aurait pu choisir un autre appartement que ce deux pièce où la douche, si étriquée, lui permet à peine de faire un mouvement. Mais non, ce n'est pas si facile, rien n'est facile, il faut qu'elle...se débrouille par elle-même. Elle a fugué par un jour de juin. Elle n'en pouvait plus, là-bas, elle avait peur : peur de cet homme hideux qui avait été son père, peur de tout ce qui venait de se passer. La peur dévorait ses entrailles, mais curieusement, en même temps, elle était impatiente. Curieuse de voir ce qui allait se passer. Frigg était une jeune femme étrange : peut-être était-ce parce que, justement, on lui avait donné ce nom-là ou bien pour une autre raison qui, celle-ci, nous échappe entièrement.

Dans la capitale de l'Angleterre, elle travaillait comme chanteuse, la nuit, dans un bar d'hôtes. C'était un boulot plutôt bien rémunéré pour ce qu'elle y faisait et elle ne se plaignait pas vraiment. Bien sûr, il y avait parfois quelques abrutis qui essayaient de l'emmener dans leurs lits, mais ceci est un détail. Sa vie fonctionnait tellement bien, pour l'instant, qu'elle ne voulait rien demander de plus.


C'était un boulot illégal, bien sûr. Elle était mineure et ses parents ni son université n'était avertie. Le gouvernement était très strict sur son sujet : aucune fille mineure ne devait normalement s'enfoncer dans ce genre de métier... La réalité était bien sûr tout autre. En tout cas, tout ceci lui passait bien au-dessus de la tête. Lorsqu'elle était au travail, elle chantait des chansons en suédois, celles qu'elle avait toujours aimé, celles que sa mère lui avait apprises quand elle était encore petite. Et curieusement, une sorte de nostalgie la prenait alors. Elle pensait à sa vie dans avant, à tout ce qui s'était passé. Si seulement cet étranger n'était pas entré dans la famille. Si seulement il n'avait pas épousé sa mère et ne l'avait pas frappée à mort. Frigg, elle, avait été témoin de tout car si quelqu'un, derrière elle, l'avait forcée à restée au pas de la porte, immobile, tandis que sa mère agonisait. La jeune fille tomba, à genoux, sur la scène, le souffle coupé.

Deux coups. De coups contre la grande porte de bois tandis que la fille tombait et que les autres couraient vers elle dans le but de la soutenir et c'était fini. Une foule de personnes qu'elle ne connaissait pas courraient vers elle, la saisir violemment, la...


Frigg s'éveilla sur une table de fer. Elle y était ligotée, elle ne pouvait bouger. Ses muscles lui faisaient mal comme si elle avait fait maintes efforts. Puis, un homme entra. Elle voyait encore flou mais elle put reconnaître le lieu, ces chandeliers, ces lumières aux plafond. Ces tableaux, ceux-là même avec qui elle jouait durant son enfance. Elle était revenu au point zéro. Et l'homme qui venait d'entrer n'était autre que celui qu'elle détestait tant. Durant ce court instant, la jeune femme va vivre les minutes les plus longues de sa vie, les plus douloureuses. De toute façon, tout ce qu'il veut d'elle, c'est qu'il ait son enfant de façon à obtenir toute la fortune de sa famille légalement. Point.


-Un enfant est envoyé par colis postal-


Caesar ne sait rien, alors qu'il est aujourd'hui même assis sur ce banc d'école des plus high-tech dans cette petite île de Sicille, qu'il ne cesse – par ailleurs – son expension. Il ne sait rien, ou du moins, c'est ce que l'on pourrait croire. Sa mère, juste après sa naissance a réussi à le confier à une amie qui l'a à son tour confié à ses vieux parents, d'aimables habitants de cette île sicilienne. Depuis qu'il est gamin, Caesar a les cheveux blonds mais curieusement, personne ne lui pose de questions sur son drôle de physique. Tout le monde a des secrets, ici, parfois, il ne fait pas bon de les révéler, surtout si ceux-ci appartiennent à Caesar Sulla, le maître de l'angoisse et du suspens. Très tôt, en effet, le garçon s'est fait une réputation : il a vu l'effet qu'avaient les mots sur les hommes, il a vu qu'il pouvait faire plus que manipuler. Il aime semer la zizanie par un ou deux petits mots bien placés. C'est tellement amusant, on pourrait même dire que c'est son petit péché mignon. Mais Caesar est quelqu'un de discret. Il ne laisse jamais aucune preuve, derrière lui, et déjà, gamin, un petit garçon s'occupe à sa place des sales besognes. Il a parfaitement conscience que lui, a un futur et eux non. Ce n'est pas pas hasard qu'il est le meilleur élève de sa classe, qu'il a fondé le club de journalisme et qu'il tient assidûment celui de l'école, tout en n'omettant pas de fustiger de propos bien marqués ceux qui le méritent. Surtout, lorsqu'il est heureux, on peut remarquer ce petit sourire cruel sur sa bouche : est-il humain ?

Tout changement est radical. Une nuit de pleine lune, quelqu'un s'engouffre dans la salle à manger des Sulla. La seule chose que l'on entend c'est un cri, deux coups de revolvers. Une petite silhouette sort alors de la demeure, se regarde dans le miroir et rit comme un fou.

S'il a grandi en Sicile, Caesar ne s'y éternise pas. Il étouffe, son prénom hérité des empereurs romains lui fait bien vite comprendre qu'il a besoin d'air. Il commence à avoir une mauvaise réputation. Le bruit court que tous ceux chez qui il est hébergé meurent mystérieusement. On raconte même qu'une bande serait à ses trousses et que quelqu'un aurait même engagé un tueur à gages. Alors, les habitants ont peur. Certains bruits courent même que l'enfant serait un tueur mais celui-ci, on n'y porte guère d'importance : comment une aussi jolie tête blonde pourrait être un tueur ? C'est tout simplement un hasard et la période de sa vie où Caesar voyage le plus, et réapparait soudainement à l'autre bout de l'île revêtu d'un nom de famille différent. Alors, il finit le lycée de sa petite île presque natale, obtient une bourse, puis, va étudier à Rome dans une école de journalisme. Il ne sait pas bien ce qu'il fera après. Tout l'ennuie ou plus tout n'est guère à son niveau. Parfois, il a même envie de dénoncer tous ces scandales dont il connaît l'existence mais qui le font vivre mais il sait qu'il ne peut guère. Qu'il se ferait descendre s'il le faisait. Et puis non. Pourquoi serait-il celui qui se ferait descendre ? Un sourire se fige à ses lèvres, il récupère on ne sait trop où un revolver et se fixe comme but de s'y entraîner chaque soir.

Ce n'est pas commun. Si quelqu'un voyait ce jeune homme blond à la peau pâle tirer de toutes ses forces sur cette cible, alors qu'il est le parfait gendre/amoureux/étudiant, on pourrait se poser des questions. Trop de questions qui pourraient mettre sa carrière en danger. Caesar Sulla trouve qu'il est plus intelligent que les autres : d'ailleurs, il l'est. De cette université minable, il est le seul qui surclasse tous les autres, le seul qui attire autant de regards, à la fois de la part des jeunes filles et de ses professeurs. Nul ne lui connaît de vices : non, vraiment, il est considéré comme un être parfait, le soleil. Pas une rumeur ne circule à son égard, si ce n'est qu'il doit venir d'une bonne famille, pour être aussi bien éduqué. Si on peut résumer le machiavélique blond en quelques mots, c'est qu'il a l'air de quelqu'un normal, mais trop normal pour l'être vraiment. Le soir, lorsque ses cours sont terminés, il se dirige vers les bas-fonds de la ville. Il aime observer ce qu'il s'y passe, la nuit. Ces bas-fonds grouillent de sales petites ordures aussi facilement manipulables que n'importe qui. Ce sont ses fourmis. Il joue avec, il se lie d'amitié avec les reines fourmis, celles-ci l'écoutent, sa voix est d'un charisme et surtout, il a cet air qui donne l'impression qu'il ne se trompe jamais. Et puis, souvent, quelques temps après, Caesar se lasse. Il se dirige vers une autre fourmilière et comme tout petit garçon qui ne veut plus de ses jouets, il laisse une traînée de cendres sur son passage, soupirant en se disant qu'il y a mieux ailleurs.

En fait, ce qu'il souhaite, c'est un mystère. Un mystère suffisamment compliqué pour qu'il puisse ne pas s'ennuyer, démêler ses fils, puis, les remettre à sa façon : c'est alors qu'il entend une rumeur : une ville qui serait gouvernée par un parrain de la mafia. Le coup d'état avait eu quelques années auparavant, à l'époque, il en avait entendu parler mais n'y avait pas porté plus d'attention que cela. Il se disait que ça ne tenait pas la route : que la police, le gouvernement, surtout avec les moyens considérables dont il disposait, se chargerait de réduire à néant toute rébellion.
Mais maintenant, deux années plus tard, Caesar se demande vraiment ce que les concernés font. Les rebelles doivent peut-être disposer d'une arme fatale ou bien...Il s'agit simplement d'une sujet d'expérience pour les gens du gouvernement ? Genre, à quel point une ville peut rester en autarcie commandée par des criminels ? Drôle d'expérience, si c'est le cas, mais en tout cas, Caesar se doute bien que ces petites fourmis-là ne resteront pas impassibles. Il les sent déjà gigoter sous sa semelle. Un sourire cruel se dessina sur son visage blanchâtre. Venise, si belle auparavant, aurait plongé du côté du mal. Les yeux de Caesar s'ouvre grand, il rit. C'est décidé, il ira là-bas, il organisera, dans ce chaos ambulant, des masses de complots et tuera le parrain. Il est né pour être roi, non, pardon, empereur. Alors, d'un pas décidé, une valise à la main, il s'avance vers la crapule mafieuse qu'il a coincé. Dans cette sombre ruelle, seul un coup de feu retentit.

Depuis, il vit à Venise. Il s'y sent vraiment comme un poisson dans l'eau et à chaque instant, il a envie d'hurler de rire pour signifier au monde entier sa joie d'être ici. Il a trouvé un emploi de journaliste auprès d'un cancan local. Il réalise sa tâche à merveille, d'ailleurs et...Et le parrain, ce qu'il en pense ? Et bien, il cherche, il retourne les dossiers, voit tous les morts causés par ce régime sans loi. Il aime cela. Il jongle avec le danger. Plus que cela, parfois, il le brave même en allant cherche dieu ne sait où quelques petites informations que seul lui pourrait trouver.

« Pan. »

Son doigt désigne un immense monument ; l'explosion retentit.

En fait, il n'est pas vraiment un simple journaliste.